Sciences Années 70 – Yves Coppens – Résumé de la conférence

 

Lucy, la pionnière

 

L’histoire avant Lucy

L’homme est un primate du genre Homo, de l’espèce sapiens dont les ancêtres préhumains, les australopithèques, constituent une branche issue d’un tronc commun avec les grands singes d’afrique.

La découverte de Lucy dans les années 70 (1974) ne relève pas du hasard et a été précédé de nombreuses recherches qui ont véritablement débuté dans les années 20 en afrique.

 

Pourquoi l’afrique ?

Tous les primates sont nés dans les régions tropicales :

a L’homme est d’origine tropicale

Les grands singes d’afrique sont les plus proches de l’homme

a L’homme est originaire des régions tropicales d’afrique

C’est donc en Afrique que se sont concentrées les recherches des origines de l’homme.

 

Découverte du premier pré-humain

Le premier préhumain fut découvert presque fortuitement en Afrique australe, en 1924 par Raymond Dart, médecin et anatomiste, qui publia sa trouvaille dans la revue Nature en 1925. Ce pré-humain fut baptisé Australopithecus africanus (littéralement homme-singe d’Afrique australe).

 

La ruée vers l’os

Les recherches se multiplient alors en Afrique australe et orientale, permettant la mise à jour de nouveaux restes d’australopithèques.

En 1959, Louis Leakey trouve un crâne et une dentition dans les gorges d’Olduvai, en Tanzanie.

 

La datation au potassium

Ce site géologique particulier va permettre la datation des restes d’hominidés qui s’y trouvent grâce au potassium radiactif, une méthode développée par Leakey en 1961.

L’Afrique de l’est est en effet une région très volcanique. Les multiples éruptions qui se sont produites près du site d’Olduvai ont laissé des dépôts qui alternent avec les couches renfermant des ossements. Ces dépôts volcaniques contiennent du potassium 40, un élément radiactif qui était natif au moment de l’éruption et qui s’est progressivement désintégré en argon 40, un gaz piégé dans certains cristaux. En mesurant la concentration de ce gaz, on peut alors déterminer l’époque à laquelle a eu lieu l’éruption et en déduire l’âge approximatif des ossements humains les plus proches de la couche volcanique.

 

La découverte de Lucy

L’Ethiopie

En 1967, après avoir travaillé au Tchad, Yves Coppens part effectuer des fouilles en Ethiopie où se trouve une falaise de près de 1200 mètres d’altitude, parfaitement stratifiée, dont les couches renfermant des ossements alternent avec des niveaux volcaniques. En 1967, y est découvert Australopithecus aethiopicus, vieux de 2,5 millions d’années.

 

La région de l’Afar

C’est à cette époque qu’Yves Coppens reçoit la visite de Maurice Taïeb, un géologue qui lui amène une dent d’éléphant datant de 2 à 3 millions d’années, trouvée dans la vallée de l’Awash, un fleuve éthiopien dont le cours suit la Rift Valley, puis la faille de l’Afar et termine sa course dans les sables du désert Dankali, l’un des endroits les plus chauds de la planète, « Même les chacals font leur testament avant d’entrer dans ce pays » !

L’année suivant, Maurice Taïeb ramène d’un nouveau site de fouilles de la région de l’Afar des restes d’éléphant et autres vertébrés.

 

L’expédition se constitue

En 1972, Maurice Taïeb décide de monter une expédition, l’IARE (International Afar Research Expédition) à laquelle participent Yves Coppens et deux américains, John Kalb et Donald Johanson.

A leur arrivée, en avril-mai, la chaleur est intense mais les découvertes ne se font pas attendre. De nombreux fossiles sont mis à jour, mais aucun reste d’hominidés en vue. Pourtant, l’âge de ces fossiles correspond à une période contemporaine à la présence d’hominidés et Yves Coppens est sûr de finir par en trouver.

 

Le « genou de Claire »

En 1973, l’obstination d’Yves Coppens lui permet de découvrir un fragment temporal et un genou très complet, qu’il baptise le « genou de Claire » !

 

Nouvelle découverte

Enfin, en 1974, deux membres de l’IARE, un éthiopien et un américain, Tom Gray, découvrent de nombreux fragments osseux sur un autre site, qui devient donc un « site à hominidés ».

 

Du site à hominidéS au site à  une hominidéE 

Toutefois, l’ensemble de ces fragments ne permet de reconstituer que le bout d’un tibia droit mais pas de deux, le bout d’un fémur gauche mais pas de deux, une partie d’un crâne mais pas de deux, une partie de machoire inférieure mais pas de deux. Et si le « site à hominidés » n’était en fait que qu’un « site à un hominidé » ?

Finalement, la découverte d’un demi-bassin et du sacrum, très proches de ceux des femmes modernes, permettra d’en faire le « site à une hominidée ».

 

Le baptème de Lucy

Ce squelette féminin, répertorié comme AL 288, sera nommé scientifiquement Australopithecus afarensis. Mais c’est grâce aux Beattles et à leur chanson « Lucy in the Sky with Diamonds » qu’écoutent le soir les membres de l’IARE en effectuant le marquage des découvertes de la journée que cette petite australopithèque recevra son nom de baptème.

La poursuite des fouilles aboutira à l’exhumation des centaines de morceaux dont 52 permettront de reconstituer le squelette de préhumain le plus complet jamais découvert. D’après ses dimensions, Lucy devait mesurer 1,1-1,2 mètres et peser environ 25 kg.

 

Lucy se dévoile

De la tête aux pieds

A Paris, Yves Coppens et son équipe vont alors se consacrer à l’analyse approfondie d’une partie du squelette de Lucy. Des chercheurs comme Pascal Picq, Christine Tardieux, Yvette Deloison ou Brigitte Senut vont se répartir le travail, chacun se consacrant à une partie du squelette, crâne, mandibules, membre supérieur, bassin, membre inférieur et autre pied. Ces études vont révéler différents aspects de la vie de Lucy, il y a 3,2 millions d’années.

 

La bipédie

- le trou occipital est placé très en dessous du crâne.

- les vertèbres forment les mêmes courbes, bien que plus étirées, que celles de l’homme actuel.

- le bassin est court, dit « en pression », à l’inverse des grands singes qui ont un bassin plus étiré, « en tension ».

- le corps du fémur est oblique.

Tous ces éléments indiquent que Lucy était un être debout, apte à la bipédie.

 

« Ça ne marche pas, ça grimpe » !

C’est par cette phrase que Christine Tardieux résuma à Yves Coppens les résultats de ses travaux réalisés sur le genou de Lucy.

En effet, alors que l’articulation du genou de l’homme actuel est très solide, celle de Lucy était encore très lâche, ce qui permettait une rotation importante de la jambe, nécessaire pour grimper dans les arbres.

De la même manière, la cheville se révèle aussi instable que le genou, les pieds sont plats, sans voute plantaire, et le gros orteil est très divergent, à l’instar de celui des singes.

A l’inverse, le membre supérieur est très solide, permettant la traction du corps lorsque Lucy grimpait.

 

Grimpeuse et marcheuse à la fois

La conclusion de ces différents travaux est que Lucy grimpait ET marchait. Elle représente donc l’intermédiaire entre le singe et l’homme, une étape dans l’évolution vers la bipédie.

L’étude des centres de gravités par Christine Tardieux permettra d’interpréter la démarche que Lucy devait avoir.

 

Lucy, superstar

Peu à peu, Lucy échappe à ses découvreurs et devient une star à part entière. De nombreuses anecdotes vont alors émailler la vie d’Yves Coppens. Un poème lui sera même consacré.

 

L’histoire après Lucy

La bifurcation singe-homme

Depuis l’arrivée de Lucy dans l’arbre phylogénétique, bien d’autres hominidés ont été découverts, le plus ancien datant de 9,5 millions d’années (MA), ce qui laisse supposer que les ancêtres communs aux grands singes et aux préhumains et humains dateraient d’environ 10 millions d’années (MA).

 

Le « bouquet » de pré-humains

Parmi les principaux préhumains découverts :

9,5 MA Samburupithecus

7 MA    Toumaï alias Sahelanthropus tchadensis (2001)

6 MA    Orrorin tugenensis (1974-2000)

5,8 MA Ardipithecus (1994)

4 MA    Australopithecus anamensis (1995)

3,5 MA Abel alias Australopithecus bahrelghazali (1995)

3,5 MA Kenyanthropus platyops (1995)

 

Quelle branche pour l’Homo Sapiens ?

Ce « bouquet » de préhumains révèle qu’il s’agissait d’êtres bipèdes et arboricoles.

Mais parmi eux, lesquels sont véritablement les ancêtres de l’homme ? Probablement pas Lucy, qui, plutôt que la grand-mère de l’humanité, ne semble être qu’une cousine éloignée.

Mais peut-être Orrorin, Kenyanthropus, Anamensis ?...